[Fiction] L’ouverture de la pêche à la truite
Gaspard et Nina, jeune couple Parisien, étaient bien décidés à s’aérer ; se mettre au vert comme on dit à la capitale. Ils avaient choisi le département de l’Ariège pour ces vacances de printemps. Dans un petit gîte près de Foix, ils rencontraient le charme local dans cet établissement tenu par un couple d’Anglais local connaissant sur le bout des doigts cette région qu’ils habitent depuis 6 mois. Quelle chance d’avoir des guides pareils ! Sur les conseils de leurs hôtes donc, nos deux franciliens, en ce deuxième samedi de Mars, se sont levés tôt afin de pouvoir profiter de cette journée ensoleillée : ils vont se rendre en Andorre puis passer une après-midi de ski à Bonascre. 6h du matin, les voilà partis !
Après avoir quittés la double voie, les voilà sur les routes tortueuses du département 09, point d’autoroute ici ! Longeant les bords de l’Ariège, ils s’inquiètent rapidement de voir autant de voitures stationnées un peu partout. Serait-ce le tour de France ? Non, nous sommes en Mars. Une fête de village, un marché local ? Certainement pas si tôt.
Ils distinguent tout à coup ce qui semble être un incendie. Bons citoyens, ils s’arrêtent sur le bas-côté et s’emparent de leur Iphone 6 S pour signaler aux autorités locales ce feux de forêt. Pas de chance, pas de réseau ! Pestant contre contre cette singularité, ils se rendent en fait rapidement compte que des locaux semblent déjà sur place. En effet une dizaine de personnes sont autour de ce brasier. Rassurés ils reprennent la route, se demandant maintenant si le feu de la Saint Jean n’aurait pas été avancé…
Ça expliquerait en effet ce nombre croissant de voiture, car que de monde ! Voilà qu’ils aperçoivent maintenant plusieurs personnes, voire plusieurs dizaines de personnes au bord de l’eau. Chacun vêtus comme s’ils rentraient d’Irak, mais certainement trop vieux pour faire partie du 1er RCP (régiment parachutiste local). Peu à peu paniqués, Gaspard et Nina n’osent pas tourner la tête vers ces hommes (car il n’y a exclusivement que des hommes) aux airs patibulaires qui les lorgnent tout au long de leur passage.
C’est à ce moment-là que Nina décide qu’elle a une envie pressante. Son pieu chevalier s’engage alors dans un petit chemin menant sur les bords de la rivière afin de préserver l’immaculée et innocente intimité de sa compagne. Alors que celle-ci trouve un parfait buisson la dissimulant jusque des étoiles, elle ne peut s’empêcher de retenir un hochet de surprise lorsqu’un homme passe à côté d’elle en position accroupie et vient se positionner à un petit mètre. De retour à son auto, elle signale le malotru à son cher et tendre, qui, prenant son courage à deux mains, file droit vers le malpoli lui faire part de son ressentiment.
Arrivé au bord de l‘Ariège, il tombe facilement sur le gars, malgré la pénombre, mais recule d’un pas car il semble armé. Il tient en effet dans ses mains ce qui semble être un bâton. Gaspard lui tint alors à peu près ce langage : « Excusez-moi cher monsieur, tout à l’heure ma compagne satisfaisait un besoin naturel et vous avez eu la mal-politesse de venir à côté d’elle ». L’homme, surpris, lui répondit simplement : « Ouais mais là c’est un bon coin, con » en levant violemment son bâton ! Gaspard se protège immédiatement contre d’éventuels coup, car il avait pris quelques précieux cours de self défense dans son adolescence. Mais au lieu de recevoir un coup de bâton, c’est un truc gluant qui vient s’écraser à ses pieds.
Une canne à pêche, pas un bâton ! Un poisson, pas un marron !
« Mais vous êtes en train de pêcher ! » fit remarquer notre jeune perspicace ! « Beh oui, c’est l’ouverture, putain, tu viens d’où pour pas le savoir, con ? » lui répondit le type.
Rassurée, Nina qui avait écoutée de loin la discussion, se rapprocha des deux hommes. S’en suivit une discussion sur les us et coutumes du coin pour l’ouverture de la pêche à la truite, rapidement ponctué par un « Vous avez qu’à venir déjeuner avec nous », qui continua par « Prends toi un peu de rouge » et qui se termina une sieste au bord de l’Ariège.
Nos deux franciliens eurent même la chance, en plus d’avoir découvert une ancestrale tradition Pyrénéenne et d’avoir passé un très bon moment, de gouter à une paire de truites presque sauvage car de pisciculture locale.